Des « chemins pour la paix » Proposés par 6 convictions lors d’un moment de recueillement dans le cadre des Journées du Souvenir Franco-Belge de Court-Saint-Etienne du 21 au 24 mai 2015
Présentation du temps de réflexion. Par Paulette Pelsmaekers Mesdames, Messieurs, En vos titres et qualités, « Dans un monde devenu désert, nous avions soif de retrouver des camarades : le goût du pain rompu entre camarades nous a fait accepter les valeurs de guerre. Mais nous n’avons pas besoin de la guerre pour trouver la chaleur des épaules voisines dans une course vers le même but. La guerre nous trompe. La haine n’ajoute rien à l’exaltation de la course. Pourquoi nous haïr ? Nous sommes solidaires, emportés par la même planète, équipage d’un même navire. Et s’il est bon que des civilisations s’opposent pour favoriser des synthèses nouvelles, il est monstrueux qu’elles s’entre-dévorent. » Le choix de ce texte qui fait partie de l’ouvrage « Terre des Hommes » écrit par Antoine de Saint Exupéry en 1939, m’a été inspiré par les messages qui seront délivrés au cours de ce moment de réflexion et de recueillement que nous vous proposons. Ce moment nous l’avons souhaité en hommage à ceux qui, en 1940 et au cours des années noires qui ont suivi, ont offert leur vie et leurs forces pour que reviennent les valeurs démocratiques qui nous sont chères. Ces hommes et ces femmes étaient tous « différents », de par leur culture, leur croyance, leur origine…et la liste de ces différences pourrait s’allonger encore. C’est ce droit à la différence, au respect de l’autre dans la vie et dans la mort qui nous a poussés à vouloir réunir les intervenants de ce jour. Ils prendront la parole tour à tour et dans un ordre qui a été établi par tirage au sort. Paulette Pelsmaekers est Secrétaire du Souvenir Franco-Belge Déléguée locale du Souvenir Français-Court-Saint-Etienne. 1. Pour le Judaïsme, « Préserver nos repères ». Message d’Albert GUIGUI, Grand Rabbin de Bruxelles : Pourquoi célébrer un anniversaire ? Pourquoi se réunir encore pour commémorer la mémoire de ceux et de celles dont on veut garder le souvenir. A cette question posée par d'aucuns, il faut dire et répéter: nous devons avoir des points de repère. Nous devons, de temps en temps arrêter d'agir, pour penser et marquer certaines étapes. Il est donc important de nourrir le souvenir. Aujourd'hui, nous devons nous souvenir de ces hommes et de ces femmes qui ont payé de leur vie pour lutter contre la tyrannie et la barbarie nazis, parce qu'ils ont cru en la liberté et en la dignité de l'homme. Ils ont payé de leur vie pour que la Belgique vive et survive dans la dignité et l'honneur. Merci aux organisateurs de cette grande manifestation qui réunit aujourd’hui, croyants et non croyants, laïcs et religieux, pour crier à la face du monde que cesse la haine et la violence. Merci à vous tous et à vous toutes qui êtes venus de près et de loin manifester votre désir de dire non à tout ce qui peut déstabiliser nos valeurs démocratiques. Ensemble, nous devons, aujourd’hui plus que jamais, transmettre aux générations futures, le socle des valeurs fondatrices de l’Europe, à commencer par son exigence toujours approfondie de la démocratie et du respect de la personne humaine. 4 Ensemble, nous devons réagir avec une fermeté exemplaire pour dénoncer et combattre toute résurgence de racisme, d’antisémitisme et d’islamophobie, quelle que soit sa forme, quel que soit son prétexte. Ensemble nous avons la responsabilité de faire échec à tout ce qui pourrait conduire au même engrenage du mépris de l’autre et de la violence, conduisant inéluctablement à la barbarie. C’est dire combien le travail sur soi et l’exigence de vigilance sont toujours d’actualité pour l’Europe. Il en va aussi de sa force et de son avenir, car, l’histoire nous l’enseigne, les poussées d’antisémitisme sont bien souvent le symptôme d’un malaise sociétal, d’une crise de vitalité démocratique. Ensemble, nous devons appeler à la fraternité et à la solidarité humaine. Une tâche infiniment lourde pèse sur chacun d’entre nous et nous serons jugés sur ce que nous aurons accompli. Je voudrais, aujourd’hui, m’adresser plus particulièrement aux jeunes. Vous serez demain les citoyens qui à votre tour, aurez la responsabilité de faire échec à tout ce qui pourrait conduire au même engrenage de la haine et de la violence, conduisant inéluctablement à la barbarie. C’est à vous, jeunes que je m’adresse pour dire : n’oubliez pas le passé. C’est à vous désormais qu’appartient de faire l’Europe, une Europe des libertés, une Europe messagère de paix et de respect de la dignité humaine. 2. Pour l’Islam : « Que la paix soit sur vous » Texte écrit par JALEL BOUFAIED et lu par son épouse SOUHA BENCHEHIDA au nom de la communauté musulmane de Court-St-Etienne Heureusement pour l’humanité que la plupart des religions et philosophies partagent des valeurs humanistes de paix, de fraternité et d’entraide. Elles constituent un potentiel de prospérité que nous devons promouvoir et renouveler constamment. Le prophète de l’Islam a fait à plusieurs reprises usage de la coalition avec autrui comme un moyen de lutte contre la corruption et l’insécurité. Au cours des guerres en Europe, déjà en 14-18, et ensuite en1940, au sein de l’armée française, les soldats musulmans et non-musulmans, qui se sont sacrifiés pour nous, n’étaient pas sélectifs dans leurs actions de lutte contre l’extrémisme et contre le fascisme. C’est ainsi que main dans la main ils ont gravé une belle leçon de paix pour les générations futures. Cet acte noble est un mot d’ordre commun à tous pour une perpétuation de ce travail dans notre société multiculturelle actuelle. Allah dit : « Ô Hommes, ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez » (sourate 49 verset 13) Aujourd’hui, ceux qui commettent des actes barbares au nom de l’Islam et attribuent des causes personnelles au nom du prophète ne font que salir et souiller l’image de l’Islam .Le Coran dit : « Nous ne t’avons envoyé qu'une miséricorde pour l'univers » (sourate 21 verset 107). N’est-ce-pas un bafouement total de la parole divine lorsque vous attentez à leurs vies ? Le coran dit: "Quiconque tue une personne sans que celle-ci ait tué ou semé la corruption sur terre, c’est comme s’il tuait tous les hommes. Quiconque fait don de la vie, c'est comme s'il faisait don de la vie à tous les hommes » (sourate 5 verset 32). L’appel à la paix et au vivre ensemble est une évidence en Islam. Cet appel est sur nos lèvres plusieurs fois par jour, chaque fois que nous saluons quelqu’un: « Assalamou Alaykom » qui signifie «Que la Paix soit sur vous». Le musulman est celui dont les gens sont à l'abri de sa langue et de sa main, paroles du prophète Mohamed. Même le mot « Islam » est un dérivé du beau mot « salam » qui signifie « paix ». C’est à cette paix que nous voulons oeuvrer tous les jours avec les hommes de bonne volonté. Souha Benchehida et Jalel Boufaïed sont professeurs de religion islamique à Louvain-la-Neuve et à Court-St-Etienne. 3. Regard du Bouddhisme sur la guerre Par Nicole de Merkline pour le courant philosophique bouddhiste. Le Bouddhisme est une forme de spiritualité non violente vu qu’il n’a jamais initié de croisades ou de guerres saintes et la guerre qui représente le summum de la violence se situe complètement à l’opposé de l’idéal bouddhiste. L’exemple du Dalaï Lama au Tibet ou de Thich Nhat Han au Vietnam nous montre qu’il est possible de ne pas ajouter de massacres aux massacres. Le 1er précepte de morale que l’on inculque aux enfants bouddhistes depuis leur plus jeune âge est de » ne pas tuer « c.à d. de ne pas prendre la vie ni blesser les êtres vivants (quels qu’ils soient) Le Bouddhisme nous a enseigné que tout égocentrisme, qu’il soit personnel ou national a pour origine l’avidité, les haines et les pensées illusoires (3 poisons) et si les causes des guerres sont fort complexes : raisons économiques, théologiques, sociologiques, politiques, ethniques ou culturelles, nous y trouvons toujours à l’origine notre désir de puissance, ou de possession, notre peur des autres, la rage de se sentir trompé ou opprimé ou à l’inverse le sentiment illusoire et parano d’être un individu, un peuple, une race, supérieur au reste de l’humanité tout entière comme cela s’est passé notamment au temps d’Hitler. Brièvement, comment pouvons – nous tenter d’enrayer cette machine démentielle ? En réalisant à quel point nous vivons en interconnexion, en interdépendance avec tous les êtres sensibles ; En enseignant dès l’enfance, comme ils commencent à le faire aux Etats unis, la non – violence, la tolérance et la compassion envers tous ceux qui ne partagent pas nos idées et notre culture ; En ouvrant les yeux sur notre responsabilité dans les actes que nous posons et dont les résultats se réaliseront surement un jour ou l’autre (karma). Encore un point qui a toute son importance, ce serait d’éviter des religions d’état , qui un jour ou l’autre engendrent la confusion entre la « raison d’état « et les enseignements religieux ,et qui finissent par légitimer la violence ( guerre du japon, etc.) ou la laxité de certaines morales religieuses selon lesquelles la violence et la guerre sont permises … sous certaines conditions Mais une société n’est jamais que l’addition des individus qui la composent. C’est pourquoi la véritable origine des guerres réside finalement dans nos cœurs humains lorsqu’ils sont nourris d’avidité, de haine et d’illusions Alors que nous conseille le Bouddhisme. : de nous changer d’abord nous – mêmes ! 4. Pour le Protestantisme : « La paix passe par la Justice » De Georges Quenon, au nom de l’Eglise protestante unie de Belgique. Parler de la paix c’est parler de la justice Au psaume 85 nous lisons : « La bienveillance et la vérité se rencontrent, la justice et la paix s’embrassent. » Ce texte dit beaucoup sur nous-mêmes, sur Dieu, et sur les thèmes importants que sont « vérité et paix. » L’auteur du psaume établit des relations entre bienveillance et vérité ; ainsi qu’entre justice et paix. Pas de vérité sans amour, sans bienveillance. De même pas de Paix sans justice. La vérité n’est pas un système oppresseur, qui sépare les êtres humains, les oppose les uns contre les autres, comme ce fut le cas trop souvent, dans l’histoire, entre les religions, jusqu’à nous faire entrer dans des guerres au nom de la vérité des uns contre la vérité des autres. Pas de vérité sans amour, sans bienveillance dans lesquelles les uns et les autres sont accueillis par Dieu et s’accueillent mutuellement, se reconnaissent comme enfants d’un même Père dont l’être profond est l’Amour. De même pour la paix. La paix et la justice s’embrassent Pas de paix sans justice Quand nous parlons de justice nous pensons d’abord à la justice sociale entre, notamment, les pays riches et les pays en voie de développement. Si nous ne travaillons pas à plus de justice, plus de partage des richesses de la planète ; si des nations ou des individus confisquent les richesses aux autres, il n’y aura jamais de paix. Il en est de même entre les religions. Aussi longtemps qu’une religion se considérera supérieure à une autre et dictera sa loi, sa doctrine à l’autre, il n’y aura pas de paix entre les différents enfants du Père. Aussi longtemps que nous érigerons des murs et non des ponts entre nous ; que nous regarderons l’autre comme un ennemi, que nous l’exclurons, voir le persécuterons, il n’y aura pas de paix car pas de justice, pas de partage. L’autre m’est donné par Dieu pour que nous unissions nos richesses, que nous les partagions et que nous vivions en paix. La justice c’est faire de la place à l’autre. Nous avons tous au moins une pièce du puzzel « Dieu ». Approchons-nous les uns des autres avec nos richesses et mettons-les en commun, de cette attitude juste naitra la paix. N’est-ce pas ce que nous dit le Christ à travers sa vie? Et qui est si bien résumé dans son enseignement : « Faites aux autres ce que vous aimeriez qu’ils fassent pour vous » Une relation plus juste les uns envers les autres, une relation de bienveillance nous conduira toujours à une relation de paix. Georges Quenon, est pasteur à Louvain-la-Neuve et à Dinant. 5. Pour la laïcité : « Chacun peut faire quelque chose pour la paix. Par Yolande Mendes da Costa. Tout d'abord, merci de m'avoir invitée à prendre la parole à l'occasion de cette cérémonie interconvictionnelle. Merci d'avoir donné la parole à une stéphanoise de longue date, une officiante laïque de cérémonies laïques de parrainage, de mariage et de funérailles. Je ne ferai pas un discours historique, ni politique, mais tout simplement, je vous ferai part de ce que les non croyants, les laïques, défendent. Les valeurs que nous souhaitons partager avec toutes les convictions, sont la tolérance et le respect d'autrui. Ceci n'est possible qu'en dialoguant et en échangeant nos convictions. Il faut se connaître pour s'accepter. C'est un préalable qui nous permet de vivre ensemble et de garantir la paix. Boris Vian chantait : "Monsieur le président, je ne veux pas faire la guerre, je ne suis pas sur terre pour tuer de pauvres gens. C'est pas pour vous fâcher, il faut que je vous dise, ma décision est prise, ,je m'en vais déserter." L'éducation doit être une priorité, le cours de citoyenneté qui se met en place, est un excellent moyen pour sensibiliser les jeunes à leurs droits et devoirs de futurs citoyens actifs et responsables dans une société démocratique. Souvenons-nous de Malala, cette pakistanaise, qui est la plus jeune (elle n'a que 17 ans) a avoir été gratifiée du Prix Nobel de la Paix, comme Mandela et le Père Pire. Elle a combattu pour l'éducation des filles et des garçons. Cette commémoration permet de mettre en pratique le "vivre ensemble aujourd'hui", défendre la liberté, en particulier la liberté d'expression. Regrettons que tant de jeunes (et il y en a encore) soient morts au cours de ces guerres, quoique la mort soit inéluctable et caractéristique de la vie. Elle est inévitable mais pas comme résultat de la guerre. Pour que la peur, la haine, le terrorisme et la guerre cessent d'être les moteurs de l'Histoire, nous, les laïques, avons réaffirmé notre attachement : - au principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, - aux valeurs des Lumières, - à l'égalité des hommes et des femmes, et - au refus de toute discrimination. Je terminerai en disant que chacun peut faire quelque chose pour faire la paix. 6. Pour le Catholicisme : « Plus que jamais, notre monde a besoin de paix ». Écrit par Michel Dupuis, professeur à l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve Le texte est lu par Jean-Marc Abeloos, responsable des paroisses de Court-St-Etienne. Je mets ma foi et ma confiance en Dieu qui est Trinité, c’est-à-dire, pour ce que je peux en comprendre, mystère de relation, d’estime partagée, de compréhension, de respect, d’admiration réciproque, de joie – de paix. Mystère d’amour à profusion, d’échanges infinis entre trois personnes différentes et unies. Je crois que le temps est venu, pour nous, femmes et hommes du XXIe siècle, certainement pas de comprendre et d’épuiser le mystère de la Trinité, mais de le retrouver, de l’adorer, de le prier, et de le laisser agir et donner ses fruits : à mes yeux, c’est une urgence de notre époque. Pourquoi ? Parce que, plus que jamais, notre monde a besoin de paix. Sans doute, grâce à la science, à la technique et à la communication généralisée, le monde apparaît enfin dans son immense variété, dans sa richesse et dans ses profondes différences, mais les capacités de destruction et d’anéantissement sont devenues techniquement tout à fait possibles. Parce que nous sommes nombreux aujourd’hui, partout sur la planète, à penser une forme de guerre ou une autre : guerres de religions qui sont surtout politiques, guerres économiques, guerres financières… Guerres des cultures et des convictions… même l’écologie et la protection de la nature peuvent prendre des formes guerrières. La terreur se répand, et ses victimes sont surtout chez les plus pauvres. L’imagination terroriste semble n’avoir pas de limites. Plus que jamais, notre monde a besoin de paix. Nous sommes assoiffés de paix. Mais pas de n’importe quelle paix ! Nous avons besoin d’une paix trinitaire. Certes, il y a bien des manières de chercher et de vouloir faire la paix, même au nom de Dieu : en l’imposant, par la force et la contrainte, c’est-à-dire, globalement, en faisant taire les voix discordantes, en réduisant la diversité. Souvent, cette stratégie semble malheureusement être la seule capable de pacifier et d’arrêter la guerre. Les politiciens réalistes ont beau dire et répéter que si l’on veut la paix, il faut préparer la guerre. Une telle paix n’est que superficielle : elle limite les conséquences les plus visibles et les plus graves de l’état de guerre : les morts, les déportations, les blessures, les viols, les saccages, etc., mais elle n’empêche pas le feu de couver, dehors et à l’intérieur des individus. C’est évidemment mieux que rien : c’est une rémission, mais pas une guérison. C’est déjà du temps gagné et des victimes évitées… ce n’est pas encore le régime d’une Terre nouvelle… C’est d’une paix vraiment, radicalement trinitaire dont nous avons un urgent besoin. Oserais-je dire que le prochain siècle sera trinitaire ou qu’il ne sera pas… La paix trinitaire, c’est ce que le Christ nomme « sa » paix quand il nous la souhaite et quand il nous la donne, en précisant qu’elle est toute différente de la paix du monde. C’est la paix dans la reconnaissance des autres, dans le respect mutuel de chacun, dans l’écoute offerte, dans la retenue. La paix où chacun trouve sa place, sa voix, dans sa différence. La paix où chacun peut enfin être qui il est au plus profond : comme Dieu l’a créé : unique, irremplaçable, et indispensable dans la Création.
Comité du Souvenir Franco-Belge de Court-St-Etienne
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